Du coup on ne reçoit que peu de demandes parce que les filles hésitent à réserver mais en plus on travaille de chez soi et franchement ce n’est pas super agréable d’être tout le temps toute seule. 

 

Je ne sais pas si je vous l’ai déjà dit mais j’adore mon travail. D’abord parce que je travaille dans une agence super tendance et qui propose beaucoup d’idées EVJF originales mais aussi parce que l’équipe est géniale et on rencontre tous les week-ends de très nombreuses clientes super sympa. On a l’impression de se faire des amies toutes les semaines.  Alors cette période de COVID c’est comme un séjour en prison pour moi, sauf que ma prison, c’est mon petit 2 pièces à Paris.

 

Alors oui bien sûr il y a Facebook et Instagram, FaceTime et Teams mais bon, j’en ai marre du virtuel. J’ai envie de voir du monde, de sortir, de boire des bières en terrasse. 

 

Ce soir donc, un vendredi 8 janvier aux allures d’apocalypse, je déccide d’accepter l’invitation d’une fille que j’avais rencontrée lors d’un EVJF à venir dîner chez elle. Bon, dîner ça veut dire dormir bien sûr à cause du couvre feu et ça me perturbe un peu car je déteste dormir chez les autres. Je fais cependant abstraction à ma règle car je préfère encore subir un réveil hors de mon lit qu’un énième week-end sans voir personne, sans boire un ou deux verres de vin.

 

Mon hôte s’appelle Sarah. Elle était venue faire un EVJF à Deauville il y a deux ans et nous avions sympathisé. J’avais même fini la soirée avec sa team bride et on avait vraiment passé un super moment à danser sur la plage aux Ammonites, un lieu très populaire dans la cité balnéaire Normande. 

 

Ce soir-là, elle avait rencontré Fabien, un serveur plutôt beau gosse qui allait devenir son fiancé un an plus tard. Ils vivent désormais  ensemble dans le 17 eme, près du parc Monceau, rue Mederic exactement. 

 

Il est 19h00 et je me trouve devant le numéro 32 de la rue, je tape le code et j’entre dans une grande cour. J’aperçois alors Sarah qui me fait signe de la main depuis sa fenêtre.

 

• Hey Camille. Viens c’est par ici 

 

Je traverse alors la grande cour pavée puis me retrouve en bas de son escalier.

 

• Attends, je t’ouvre. Monte, c’est au deuxième étage.

 

J’arrive donc au pas de sa porte, légèrement essoufflée, sac Lonchamps à la main avec toutes mes petites affaires pour la nuit et, dans l’autre main, une bouteille de côte du Rhône Guigal pour faire bonne figure. 

 

 

• Salut ma belle, ça me fait trop plaisir de te voir. Oh, fallait pas pour le vin, j’avais tout prévu mais c’est super sympa.
• Salut Sarah. C’est top ton quartier, par contre : super grande la cours, je pourrais m’y perdre
• Haha, c’est clair, il y a au moins 50 apparts dans la résidence. Mais vas-y, entre, tu peux laisser ton sac et ton manteau ici.

 

Je dépose alors mes affaires dans le petit vestibule en jetant un coup d’œil dans le salon et ma première impression est très agréable. L’appartement est très bien décoré et super cosy. Je dois vous dire que j’appréhendais un peu car je ne sais pas du tout qui sera présent ce soir et, malgré que nous ayons passé une super soirée ensemble à Deauville, je ne connais que peu de choses sur Sarah et Fabien.

 

• Viens Camille, entre dans le salon et installe toi. Pas besoin que je te présente Fabien n’est ce pas – me dit elle en me lançant un petit coup d’œil sympathique 
• Bonsoir Fabien. Alors, te voilà Parisien! La Normandie ne te manque pas trop ?
• Salut Cam, carrément pas, au contraire. Deauville c’est bien l’été mais sinon je découvre beaucoup plus de choses ici. Et puis j’y retourne régulièrement quand même. 
• Tant mieux. Moi c’est l’inverse. Je ne sais pas si c’est l’effet Covid ou quoi mais j’ai vraiment envie de partir vivre au bord de la mer. 
• Ouai je comprends mais moi ce sont mes premiers mois à Paris donc j’ai encore plein d’étoiles dans les yeux 
• Haha, oui c’est sûr. Ça ne durera pas hehe

 

Alors que je converse avec Fabien, la sonnette retentit et Sarah part ouvrir la porte.

J’en profite alors pour aller aux toilettes et changer mon tampon car je suis en pleine période rouge. 

 

Mes règles n’ont jamais été un problème pour moi. Pas de changement d’humeur marquant ou de maux de têtes violents. C’est une chance je sais car certaines de mes amies (et leurs mecs) vivent un véritable calvaire. Moi, ça dure à peine 3 jours et franchement, à part le côté hygiène, cela ne change pas grand chose à ma vie. En même temps, je n’ai pas de mec alors le côté sexe n’est pas un problème non plus. 

 

En redescendant les marches (l’appartement est en duplex), je vois que Sarah a fait entrer son ami. Je comprends mieux maintenant: un mec bien sûr. J’espère qu’elle ne cherche pas à me caser parce que là c’est pas du tout le moment.

 

• Camille, je te présente François, un ami de longue date. François, voici Camille, une copine que j’ai rencontrée il y a deux ans.
• Salut François, on se fait la bise ou …

 

Pas le temps de finir ma phrase qu’il effleure déjà mes joues par deux fois tout en me jetant un petit “salut Camille” légèrement timide.

 

Il paraît très réservé et il est assez mignon je dois dire. Son visage me dit quelque chose et je suis sûre de l’avoir déjà rencontré quelque part. Cela devait être lors d’une soirée au Saut du loup ou peut-être lors d’une activité avec l’agence. Un photographe peut-être.

 

• Bon, asseyez-vous. Je vous sers un peu de vin? Pour le dîner je vous préviens ce sera assez simple : ceviche en entrée, gratin de courgettes et curry de poulet. Ça ira pour tout le monde ?

 

Tu parles de quelque chose de simple toi. Moi, un menu comme ça c’est Noël! On est loin de la pizza / salade/ granolas que je me tape 3 fois par semaine.

 

• Alors Camille? Pas trop dure la période pour le taf? – me demande Fabien 
• Si bien sûr, comme pour tout le monde dans l’événementiel. Mais ça va, la boîte a les reins solides. Non, le plus dur c’est la solitude, rester chez soi et ne voir personne. Et toi tu fais quoi au fait à Paris?
• Et bien je me suis lancé dans le métier d’acteur figure toi. J’en ai toujours rêvé alors je me lance. Je prends des cours de théâtre tous les jours et puis je m’investis à fond. Si ça marche tant mieux et sinon je n’aurai pas de regret au moins.
• Super ça. C’est top de se lancer comme ça. C’est courageux en plus. Et toi François tu fais quoi ?
• Acteur aussi. 
• Ah oui? Pas facile non plus en ce moment j’imagine ? Sale période pour tout le monde alors. Et toi Sarah, toujours dans l’immobilier ?
• Ouais toujours. C’est clair que nous on a pas eu à se plaindre. On a pas encore vu la crise se pointer, c’est même l’inverse.

 

La soirée commence donc de manière très naturelle. On échange sur de nombreux sujets, boit quelques verres puis déguste les plats absolument fantastiques de Sarah. 

Durant tout le dîner je ne peux cependant pas arrêter de me demander où est-ce que j’ai déjà vu François. Il ne parle que très peu pendant le repas et sa piste d’acteur ne m’aide pas beaucoup. Est-ce qu’il fait l’acteur dans une chasse au trésor que l’on propose à Paris ? Est-ce qu’il est stripteaser et se cache derrière cette fausse identité d’acteur? Est-ce qu’il est acteur dans un escape game ? En plus, plus il boit, plus il se renferme alors ça ne va pas être facile.

 

Pourtant je ne cesse de lui demander où donc nos chemins auraient pu se croiser mais il reste totalement dans le déni. Il ne m’a jamais vue c’est clair et je commence à croire que mon esprit me joue des tours. J’abandonne mes recherches.

 

Commence alors un enchaînement de verres de vins, shooters de rhum, cigarettes et même un petit joint sur lequel je tire quelques bouffées. 

 

Je ne fume pas très souvent de hash mais lorsque l’occasion se présente, et que je me sens bien, je ne suis pas contre laisser mon esprit s’évader. Surtout en cette période difficile.   

 

Vers 1h du matin, Sarah propose alors de faire un petit jeu. Ce jeu assez débile où on se colle un nom sur le front et que l’on doit essayer de deviner qui on est. Je ne suis en général pas très fan de ce genre de passe-temps mais l’alcool aidant, j’accepte de me prêter au jeu.

 

Le tirage au sort me désigne comme étant la dernière à jouer. Parfait. 

 

Je colle Hugh Grant sur le front de Sarah, qui colle Booba sur celui de Fabien, qui lui-même colle Kurt Cobain sur François qui me dépose délicatement un personnage sur le front.

 

Comme par hasard il ne faut que 4 ou 5 questions à chacun pour trouver son illustre inconnu. Mon tour venu, je n’ai encore aucune idée de mon personnage après 10 questions. La honte. Culture générale au niveau 0.

 

Tout ce que je sais c’est que c’est un homme français, d’une trentaine d’années, ni chanteur ni humoriste. Il n’a pas de lien avec la politique et il n’est ni sportif ni youtubeur. 

 

Plus je pose de questions et plus je m’enfonce alors que je vois les trois autres morts de rire du genre “putain c’est trop simple”. Comment passer pour une conne inculte en moins de 10 minutes ! 

 

Je prétends alors une envie d’aller aux toilettes pour tenter de googlelisé mon inconnu et ils prennent soin bien entendu de me retirer le post-it du front avant de monter.

 

Alors que je suis assise sur les toilettes en train de chercher ce personnage introuvable, mon esprit se focalise alors sur François. Je viens de trouver où je l’ai déjà vu. Il n’est pas du tout acteur en fait, cette couverture ne doit être qu’un passe-temps. Je l’ai vu lors de la visite d’un sous-marin à Cherbourg à la cité de la mer. Une visite super chiante que j’avais faite lors d’un week-end avec mon ex et, d’ailleurs, je me souviens avoir trouvé le sous-marinier qui nous présentait son navire assez mignon. C’était bien mon François. 

 

Une fois redescendue, ils sont encore tous les trois en train de rire. À peine assise, ils me recollent le papier sur le front et je reprends mes questions. 

 

Afin de prendre à contre-courant le jeu, je vais utiliser mon secret pour retourner la partie à mon avantage. À mon tour de rire un peu.

 

• Est-ce que mon personnage a un rapport avec un sous-marin?
• François fut très surpris mais je le fus encore plus lorsque Sarah et Fabien répondirent en cœur: ouiiiiiiiiiiiiii !!!

 

Je viens alors de comprendre. Ils savent que je l’ai déjà rencontré. D’une manière ou d’une autre, ils ont appris que je le connaissais et ont organisé cette soirée. Peut-être même que c’est lui qui avait flashé sur moi, qu’il m’a vue en amie de Sarah sur Facebook et lui a demandé de me rencontrer. 

 

• Alors tu réponds ? Me demande Sarah, morte de rire

 

Je ne sais pas si c’est l’alcool ou le pétard ou peut-être les deux mélangés mais tout à coup j’en ai marre de ce jeu et je me lève brutalement. J’ai vraiment l’impression d’être prise pour une conne et je me sens vraiment bourrée et très mal.

 

• J’en ai marre de vos conneries putain. Vous vous foutez de ma gueule depuis tout à l’heure. Bien sûr que je me souviens de lui dans ce putain de sous-marin, c’est quoi votre délire, vous vous croyez marrants? Vous êtes trop nuls

Plus je m’exprime et plus Sarah et Fabien sont morts de rire.

 

• dans ce putain de sous marin à Cherbourg hahhahahaa – s’époumone Fabien

 

 Là c’est est trop. 

 

• Bon terminé ce putain de jeu, ça me saoule !

 

Je me dirige alors vers le balcon et je m’allume une clope pour relâcher la pression. Sarah me retrouve et pose sa main sur ma taille.

 

• Allez on arrête, on te taquinait un peu c’est tout. C’est juste que François est…
• Oh je t’arrête tout de suite, je ne veux plus entendre parler de ton plan foireux ou de ton jeu de merde. On passe à autre chose !
• Ok ma belle. Viens, ne reste pas dans ce froid, tu risques d’attraper le Covid hahaha

 

Nous rentrons alors dans le salon et je m’aperçois qu’il est déjà 2h00 du mat. Fabien s’exprime alors.

 

• Bon allez, on va se coucher maintenant. Je pense qu’on a eu assez d’émotions ce soir. Vous allez pouvoir dormir ici ensemble dans le salon sans vous chamailler tous les deux?

 

François esquisse un sourire très charmeur et je me sens plus détendue.

 

• Oui oui pas de souci bien sûr, du moment qu’il ne me fait pas le coup du sous-marin sous la couette 

 

 

Les trois lâchent un petit rire et en à peine 5 minutes le salon se transforme en chambre à coucher. Je m’allonge près de François et Fabien et Sarah montent à l’étage.

 

 

 

 

• Bonne nuit les amoureux ! 
• Bonne nuit Camille et encore désolé, on ne voulait pas se moquer.
• Pas de problème, le mélange alcool/pétard ne m’a pas bien réussi apparemment

 

 

 

Alors que je suis dans le noir, les yeux rivés sur mon téléphone, parcourant le monde au travers d’Instagram, je sens que François se rapproche de moi. Je prends les devant.

 

• Écoute François, tu as l’air d’être un garçon charmant mais franchement les coups arrangés comme ça je déteste ça. Ils m’ont vraiment énervés les autres à rire comme des cons et en plus je déteste tout ce qui touche de près ou de loin à l’armée. Désolée mais je ne suis pas intéressée.

 

Alors que je suis très fière de mon intervention claire et convaincante, il se remet à rire. Putain qu’est ce qu’il m’énerve. 

 

• Ok Camille. Bonne nuit alors
• Bonne nuit François

 

Tout cela m’a cependant énervée et impossible de me mettre à dormir. 

 

• François, ça te dérange si j’allume la télé, je n’arrive pas à trouver le sommeil.
• Pas du tout, moi non plus j’arrive pas à dormir. Balance Netflix

 

 

Je prends alors la télécommande, ouvre un paquet de granolas et allume la télé direction Netflix. 

 

• Un film Français ou Américain ?
• Français plutôt – me réponds François – c’est plus poétique
• Oh arrête je t’en prie, recommence pas. T’as une idée de film ? 

 

 

• T’as qu’à mettre un film sur les sous-marins tiens
• Hahaha. Tu t’arrêtes jamais toi. Allez ok, ça m’aidera sans aucun doute à dormir. 

 

Le chant du loup avec Omar Sy. Ça te va ? J’avais dû voir le début un soir où j’étais bourrée, comme ce soir quoi. 

 

• C’est le choix parfait ! Vas-y.

 

Le choix parfait? Il est vraiment bizarre ce mec.

 

Je lance le film. Vais-je tenir jusqu’à la fin du générique ?

 

Le chant du loup

Avec Omar Sy

Avec Mathieu Kassovitz

Avec …François civil 

 

Je mets la pause ! Oh putain. Il est là, devant moi, à la télé. Quelle conne je suis ! Je me tape le front de désolation. Je ressens un papier, le décolle, le regarde : François Civil ! Putain c’est lui ! Il m’avait collé son propre nom sur le front et je ne l’avais même pas reconnu.

 

• François, t’es François Civil ? C’est vraiment toi ? Putain la honte. Comment je me suis ridiculisée. Et le pétard qui me faisait penser que je t’avais vu dans ce putain de sous-marin à Cherbourg, c’était dans le film en fait.
• Haha. C’est pour ça que les autres étaient morts de rire. Mais tout va bien. Allez, viens contre moi et regardons un autre film je t’en prie, je ne suis pas si mégalo.

 

 

Je me blottis contre lui. Putain, je n’arrive pas à le croire. Je dors avec François Civil. 

 

Putain de sous-marin !