Le blog de la petite Camille

EPISODE 10

Le chien et l’encre

Episode 10 : Le chien et l’encre

Il est préférable d’avoir lu les premiers épisodes pour bien comprendre le contexte 😉

 

Cela fait une semaine que j’ai passé une soirée chez Sarah. Je n’ai pas arrêté de penser à François et j’ai toujours du mal à réaliser que j’ai dormi avec lui. Je vous rassure (ou peut-être pas) mais rien ne s’est passé. 

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Nous nous sommes endormis devant un film dont je ne me souviens même pas le nom. Je ne me souviens d’ailleurs même pas du sujet ni d’une seule scène tellement j’étais bien dans les bras de François et que ma tête bouillonnait de sensations intenses aux allures irréelles. Bon l’alcool et la fumette n’avaient pas non plus aidé à la concentration.

 

Ce soir donc, j’ai décidé de rester chez moi et d’écrire. J’ai envie de vous parler d’amour, de vous parler de passion. C’est tout ce qui me passe en tête. Des aventures improbables, des rencontres impossibles, des destins croisés et décroisés.

 

Je prends donc ma plume – et oui j’écris toujours tout à l’encre, la vraie – et je ferme les yeux. 

Je fais toujours comme cela, c’est mon habitude, mon fonctionnement, mon inspiration : je ferme les yeux et la première chose qui m’apparaît devient le sujet de mon histoire.  Ce soir, c’est un chien qui me vient à l’esprit. Et pour une raison inconnue, totalement dénuée de toute relation avec l’actualité, j’ai décidé de l’appeler Donald.

 

Ma plume effleure le papier, la réalité disparaît, Donald est né : 

 

“ Chien gris-beige de taille moyenne, d’un père Malinois et d’une mère Golden Retriever, Donald avait un allure certes digne de celle d’un bâtard mais un charme certain qui n’aurait pu laisser aucun être humain indifférent. Ses yeux vairons, d’un bleu-vert clair comme le ciel d’été et d’un marron châtaigne nous rappelant un automne pluvieux dans les campagnes outre manche, lui conféraient un sentiment de double personnalité. Le bleu-vert donnait une impression de douceur et de plénitude, le marron, lui, induisait la force et la robustesse. 

Les deux premières années de sa vie, passées à arpenter les rues de Southampton, où il avait établi son logis à l’angle de Commercial Road et Above Bar street, en avait fait un chien fort et musclé. De plus, sa soif de connaissances et ses nombreuses journées passées à analyser les humains au détour des chemins de Watts Park, avaient développé son intelligence et sa culture à l’extrême. Un chien -presque- parfait.

 

Un jour d’été, dans Palmerston Park, lorsqu’il était entrain de ronger un os de poulet, trouvé dans une boîte de KFC même pas ouverte, son regard se posa sur une jeune femme qui lisait une lettre sur un banc. Elle semblait totalement absorbée par les mots que ses yeux dévoraient. Au fur et à mesure que ses pupilles se nourrissaient des lignes noires imprimées sur du papier jauni par le temps, celles-ci s’humidifiaient en laissant transparaître une forte émotion que Donald n’aurait pu, à ce moment, définir comme de la tristesse ou de la joie. 

 

Intrigué, il s’approcha.

 

Arrivé à quelques encablures de la jeune femme, il marqua le pas. Elle était d’une grande beauté. Ses cheveux très foncés et son teint hâlé ne reflétaient pas le mauvais temps qui s’était installé depuis quelques semaines dans le Hampshire, laissant à penser qu’elle n’était pas d’ici. Du Sud de l’Europe sans aucun doute, l’Espagne peut-être. Donald, qui avait l’habitude de se regarder dans le miroir posé dans la devanture du coiffeur barbier à quelques pas de sa couche, ne put s’empêcher de faire le rapprochement entre la couleur de son œil droit et celle de la chevelure de la belle. 

 

Elle était vêtue d’un long manteau beige en laine délicatement serré à la taille par une ceinture en soie ce qui lui conférerait un style automnal totalement en adéquation avec l’été pluvieux que connaissait l’Angleterre cette année là. Légèrement ouvert, le manteau laissait entrevoir un chemisier bleu ciel boutonné au raz du coup et un pantalon noir cintré qui surplombait de jolies petites chaussures brillantes. Élégante, c’est le mot qui la définissait le mieux. Élégante et belle. Belle mais triste.

 Alors qu’il s’était rapproché d’elle il pouvait voir que les larmes qui coulaient n’étaient pas des larmes de joie mais belle et bien de souffrance. Arrivé à son niveau, face au banc, face à elle, il lui adressa la parole. 

 

-Parenthèse-

 

Un récit a plusieurs buts. Il peut vouloir raconter une histoire, réelle ou irréelle, narrer la vie de l’auteur ou celle qu’il aurait voulu vivre mais aussi faire rêver ou faire naître des sentiments divers tels que la peur, la tristesse, le bien être, la joie ou l’amour. Parfois le roman n’a pas de but. Ce sont des mots qui s’écrivent, s’enchaînent, et à leur lecture on en comprend le sens, ou pas. Dès lors, l’auteur peut utiliser tous les subterfuges nécessaires pour mener à bien son œuvre. Il peut transformer une voiture en robot, il peut faire d’une simple bague un anneau magique, il peut faire mourrir Leonardo di caprio au milieu de l’océan alors qu’il y avait de la place pour deux sur cette putain de porte. Et surtout, il peut faire parler un chien !

 

-Fin de la parenthèse- 

 

– « Bonjour mademoiselle, je m’appelle Donald, cela vous dérange si je vous demande ce que vous lisez sur ce papier qui a l’air d’avoir beaucoup voyagé?

– Bonjour Donald, cela ne me dérange pas que tu me demandes mais, en revanche, je ne peux pas te répondre.

– Je le comprends, nous ne nous connaissons pas et il faut avoir confiance pour exprimer ses sentiments. Je vous laisse donc et vous souhaite de rapidement sécher ces larmes qui m’attristent tant.

– Merci Donald. Je ferai de mon mieux « 

 

Donald, triste mais compréhensif, s’en alla.

Après quelques pas il entendit la jeune femme l’appeler :

 

– « Donald!  Solène, je m’appelle Solène

– Enchanté de vous avoir rencontrée Solène. À un autre jour peut être. »

 

Les jours qui suivent, Donald ne pouvait s’empêcher de penser à Solène, a cette sensation de bien-être qu’il avait ressenti à ses côtés mais aussi à cette souffrance que ses yeux et sa voix avaient laissé transparaître. Il voulait la revoir. Lui qui avait toujours vécu seul, sentait soudain qu’il pouvait avoir un ami, une amie. Elle l’obsédait et il ne savait pas pourquoi, comme si le destin les avait fait se rencontrer. il était persuadé que c’était elle, la maîtresse de sa vie.

 

Donald revient alors chaque jour de la semaine dans le parc où il l’avait rencontrée la première fois, guettant chaque entrée, chaque banc public, chaque allée dans l’espoir de la voir réapparaître. Mais elle ne vient pas. Les jours passèrent et Donald se résigna à se dire qu’elle était sans doute rentrée dans son pays et que jamais il ne la reverrait. Ce sentiment lui procurait beaucoup de peine, comme un coup de poignard dans le coeur chaque fois qu’il se remémorait son visage. Il commença à maigrir et il passa ses journées allongé sur ce bout de carton sur le trottoir de Commercial Road. Les passants lui donnaient de temps en temps un reste de sandwich ou de poulet provenant du KFC qui se trouvait en bas de Above Bar street. Le serveur du Pub The Sptifire venait chaque jour vers 17h lui apporter une gamelle d’eau fraiche et repartait toujours très vite car son patron ne voulait pas qu’il sorte du bar pendant ses heures de service, surtout à cette heure précise à laquelle les britanniques aiment s’enivrer de pintes de bières et parler pendant des heures de l’incapacité de leur équipe de foot à rivaliser avec une de celles du Big Five.

 

Donald était triste, très triste. Il se demanda si le temps n’était pas venu de quitter l’Angleterre pour rejoindre le continent, la France. Il lui suffisait de monter sur un des nombreux bateaux qui se rendent quotidiennement de l’autre côté de la manche et de débarquer dans le nord. Oui, c’était la solution, quitter le quotidien et le souvenir intarissable de Solene. Demain, en fin de journée, il prendra le bateau de la Sealink et débutera une nouvelle vie.

 

Ce fut un trajet long et mouvementé. Lui qui n’avait jamais pris le bateau, bien qu’il rêvait en secret de monter un jour sur le Titanic 2 qui apparement était en construction, a beaucoup souffert de la houle durant la traversée. Dix heures enfermé dans la cale, là où voyagent les voitures, camions et autres camping-cars à destination de la Normandie, lui avaient fait passer le goût de devenir marin. Dix heures avec des odeurs de gasoil, d’huile de moteur sans aucune goutte d’eau ni rien à manger, un calvaire même pour un chien comme lui habitué à la pauvreté et la misère.

 

Au petit matin il débarquait sur la côte normande, à Cherbourg plus exactement. Après quelques pas sur la terre ferme, assis sur un rocher au bord de la mer, il aperçut un jeune homme qui écrivait au bord de l’eau, un sandwich posé à côté de lui. Il l’observa.

 

Affamé,  Donald s’approcha du jeune homme pour lui demander un petit bout de son pain. 

 

– Bonjour, je m’appelle Donald,  j’arrive tout juste d’Angleterre et je n’ai pas mangé depuis très longtemps. Pourrais je vous prendre un peu de votre sandwich ?

– Bien sûr Donald, fais toi plaisir, mange autant que tu veux.

– Je vous remercie, rétorqua t-il. 

 

Puis il commença à manger tout en observant l’écrivain qui écrivait rapidement comme si il connaissait son texte par cœur. Sa peau était claire et lumineuse, ses yeux, aussi de couleur claire, lui rappelaient son oeil gauche.

 

Mais soudain, le jeune homme arrêta son stylo. Il empila les quelques pages qu’il avait écrites, les relia avec du scotch et, après un bref regard vers l’horizon, les jeta à la mer.

 

Donald, surpris, s’adressa au jeune homme :

 

– « Excusez moi mais, cela vous dérange si je vous demande pourquoi vous jetez vos écrits à la mer après autant de travail ?

– Cela  ne me dérange pas Donald que tu me demandes mais, en revanche, je ne peux pas te répondre.

– Je comprends, merci beaucoup pour le sandwich.

– De rien. Je suis ici pour écrire tous les jours, tu peux repasser quand tu veux. »

 

Alors Donald s’en alla, le ventre plein et prêt pour de nouvelles aventures. 

 

Après quelques mètres il entendit le jeune homme l’appeler : 

 

– Donald !

– Oui ?

– Greg, je m’appelle Greg. 

– Enchanté de t’avoir rencontré Greg 

 

À toi, celle qui a lu cette lettre jetée à la mer. 

 

J’aime bien vos idées EVJF et aussi votre opinion sur l’optimisation multicritère d’une chaîne éolienne passive (aucune idée de ce que c’est).

Parlez-moi, ne me laissez pas seule !